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Blog de Massamba GUEYE " La Bouche de l'Afrique"

la subversion sociale dans le conte africain

20 Janvier 2025 , Rédigé par Dr Massamba LBA GUEYE

 

La subversion sociale dans le conte sénégalais

Massamba Guèye

 To cite this version:

Massamba Guèye. La subversion sociale dans le conte sénégalais. Loxias, 2011, Doctoriales VIII, 34. hal-04531110

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Introduction

Les genres oraux présentent un ensemble d’aspects dont l’analyse révèle la mise en évidence d’une forte prise en charge du besoin du locuteur et du récepteur d’user des fonctions expressive et impressive du langage et d’en bénéficier pour mettre en scène un certain nombre de comportements sociaux. En effet, la littérature orale a cette faculté de dire dans un seul et même texte les attitudes à promouvoir, à bannir et/ou à consolider. Pourtant, certains analystes et collecteurs ont eu très peu de considération pour le conte sénégalais voire africain. Dans une de ces analyses, Louis-Vincent Thomas, que l’on considère comme une référence dans l’espace- nation Sénégal en tant que « fin connaisseur » des sociétés autochtones, affirme de façon péremptoire, parlant du conte diolas1 et du conte sénégalais, que :

Ce divertissement populaire par excellence, auquel participent souvent les vieux, s’adresse avant tout aux jeunes et aux femmes ; c’est pour cette double raison que le récit ne cherche guère la portée didactique ni même la logique interne rigoureuse2.

Dans le cadre de la transmission-conservation, il ne s’agit pas simplement de raconter de la même manière n’importe quel texte à tout auditoire. Il ne s’agit aussi pas seulement d’un divertissement. Il faudrait donc ne pas s’arrêter à penser que le conte est plus important que son lieu d’énonciation car le fait culturel répond impérativement à trois critères : un prétexte, un lieu et un instant. Le prétexte est prédéterminé par les us et coutumes et façonne la manière de pratiquer tel ou tel acte culturel. C’est ainsi, par exemple, que les danses rituelles ou de réjouissances sont accompagnées de textesdifférents qui participent à leur encodage. En plus, ces actes de socioculturels obéissent au lieu car le texte n’a de sens que conjoncturel. Nul ne peut en juger la valeur sémantique s’il laisse en rade le lieu de production qui lui même est étroitement lié à l’instant du dire performatif dans le cadre du conte.

Rappelons qu’en Afrique traditionnelle, tout comme dans beaucoup de villages d’aujourd’hui, le conteur raconte une histoire que le public connaît mieux que lui de sorte que ce que l’on attend de son récit c’est surtout une performance verbale personnelle qui manifeste sa capacité à investir le global dans un processus discursif personnel. De ce fait, le prétexte obéit à l’instant dans un espace prédéfini. Dans la société wolof du Sénégal, les trois cercles identifiablesde la parole sont : le

« ruum » (lire roum), le « ët » (lire eute) et le « pénc3 » (lire péñthie). Selon que le conte est dit dans un de ces espaces ou non, le discours porté par le texte détermine son sens et de la même manière, les rôles dévolus aux personnages changent contrairement à la définition classique du héros qui le fixe dans une fonction actancielle où selon une séquence actorielle.

  1. Ethnie du Sénégal.
  2. Louis-Vincent Thomas, Et le lièvre vint… Récits populaires diola, Dakar, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982, p 17.
  3. Ces termes sont en langue wolof du Sénégal : « ruum » signifie en français le centre de la chambre, « ët » la cours de la maison et « pènc » la place publique du village.

 

Notons aussi que dans le domaine des contes, le Sénégal présente un répertoire riche du fait de l’existence de groupesethniques très nombreux dont la mutualisation des productions offre un champ fertile aux analystes du genre. Cette mise en commun est rendue possible par la capacité du conte à s’adapter dans le temps et dans l’espace. Ce sont les mêmes contes qui circulent d’un groupe à un autre. Ayant toujours été un acte énonciatif à haute visée socialisante, le conte s’est doté des artifices de la parole nécessaires à la polysémie de son contenu de sorte que les récepteurs décodent ses différents messages selon le contexte mais surtout selon les marquages temporels qui définissent le modèle narratif.

C’est ainsi qu’il faut comprendre que, malgré son aspect fictif avoué, le conte s’inscrit dans la réalité d’une communauté et est marqué par les valeurs et les codes qui la caractérisent. Comme il est issu de la tradition populaire, plusieurs de ses éléments appartiennent à la mémoire collective4. C’est ce qui explique souvent qu’il comporte un aspect moral voire didactique qui s’adresse à tous les membres de la communauté. Roland Colin déclare à ce titre que :

Le conte est comme un sac profond : si loin qu’on y puise, on ramène toujours des poignées de secrets, d’évidences à la fois neuves et vieilles, de recettes, de savoirs utiles ou nécessaires, à croire que ce sac n’a point de fond car la sagesse et la vérité humaines qui sortent de ses profondeurs épousent tous nos geste possibles, intelligents ou sots, habiles ou maladroits, généreux ou pingres5.

Dès lors, étudier la notion de subversion à travers le conte africain c’est, aujourd’hui, permettre qu’un certain nombre d’équivoques soient levées car le conteur africain de même que sa matière ne sont pas des complaisants dont le rôle est d’endormir leur public tout en évitant d’aborder de façon « démocratique », à l’occidentale, les vrais problèmes de leur groupe. Àcette notion de subversion, chacun peut conférer un sens positif ou négatif, en fonction de sa propre position par rapport aux valeurs du système en place ou à celles dont se réclament les acteurs de la subversion.

C’est pour cela que nous nous étudierons la subversion à travers trois contes de l’espace wolof du Sénégal avec des personnages dont les itinéraires sont jusqu’ici vus et conçus comme ordinaires alors qu’en réalité, il y a un discours subversif du conteur que soutient l’itinéraire des personnages de même que la substitution du rôle des personnages à des figures symboles de la hiérarchie bouleversée. La subversion sociale dans le conte sénégalais sera étudiée à travers cescontes types qui portent les marques d’une authenticité créative mais aussi les signes nécessaires et pertinents dont la lecture permettra de montrer comment, par la pratique du détour, un genre comme le conte devient un puissantvecteur de messages politiques car comme l’affirme Mircea Eliade : « Les contes, ceux d’hier et d’aujourd’hui, reflètent, sans aucun doute, un état de la civilisation et de la culture6 ».

Depuis les travaux de Propp, les différentes études ayant eu le conte comme objet en ont révélé bien des aspects ; cependant, il nous semble qu’on n’a pas suffisamment médité ces propos de Denise Paulme qui soutient ceci :

Un conte n’est pas le récit d’un fait divers, son but n’est pas de seul divertissement, il transmet toujours en langage allusif un message implicite ou plusieurs, que l’auditoire, c’est-à-dire, tout le village : amis, cadets… déchiffre plus ou moins aisément. […] Un conte, parce qu’il est du domaine de la fiction et que l’on semble n’y attacher guère d’importance, permet d’aborder les questions les plus graves7.

Les questions qu’abordent les contes africains installent de façon profonde des attitudes qui forgent la mentalité del’auditoire. Il est donc bel et bien possible de lire cette subversion à travers la présentation succincte des trois récits qui permettra d’aborder la question de la dialectique de la normalité et de la transgression pour mieux mettre en exergue les personnages atypiques porteurs de caractérisations positives qui les mènent de la contrainte, à l’apothéose....

à suivre dans le lien 

 

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